Afin « d’acheter la cohabitation pacifique », les entreprises minières industrielles réalisent des investissements au profit des communautés riveraines des sites miniers. Mais la récurrence des conflits autour de ces sites entre communautés et sociétés minières est un indicateur de la non-satisfaction des populations locales par lesdits investissements. Comme solution, les Etats d’Afrique de l’Ouest ont inscrit dans leurs codes miniers, l’obligation pour les entreprises minières d’alimenter un fonds destiné aux investissements communautaires.
La création de ce fonds tire son fondement dans la directive minière de la CEDEAO (article 16, aliéna 7) : « Les États membres créent un Fonds de développement socioéconomique auquel les titulaires de droits et titres miniers et autres parties prenantes ont l’obligation de contribuer pour le développement des activités de conversion de l’après-mine dans les communautés locales affectées ». Le Code minier de l’UEMOA (2003) donne la latitude à chaque Etat membre de prévoir cette disposition dans sa législation nationale.
L’avant-projet de Code minier UEMOA (article 96), en cours d’élaboration, prévoit d’élaborer un plan de développement des collectivités locales situées dans les zones d’implantation du projet minier et y participer financièrement et annuellement par l’alimentation d’un fonds minier de développement local. Les différents Etats ont transposé la directive de la CEDEAO dans leur législation à travers les Codes miniers.
Le Code minier de la Côte d’Ivoire, adopté en 2014, prévoit que le titulaire du permis d’exploitation élabore un plan de développement communautaire en concertation avec les communautés riveraines et les autorités administratives territoriales et locales, avec des objectifs précis et un plan d’investissements. Le décret d’application de la loi précise que le titulaire du permis alimente annuellement un fonds à hauteur de 0,5% sur le chiffre d’affaires des sociétés minières, destiné à réaliser les projets inscrit dans ce plan.
La Code minier de la Guinée prévoit également un Fonds de développement local (FODEL), destiné aux communautés. Il est alimenté par 0,5% du chiffre d’affaires des entreprises minières. Mais le FODEL ne connait pas de mise en œuvre, par la simple raison que le décret sur les modalités d’utilisation, les règles de fonctionnement et de gestion du Fonds n’ont pas encore été définis et publiés. Les comités préfectoraux chargés de la mise en œuvre ne sont pas non plus mis en place pour la gestion de ce Fonds. Conséquence, les entreprises minières n’arrivent pas à alimenter le Fonds.
Les Codes miniers malien, nigérien, togolais et béninois ne prévoient pas expressément un fonds destiné au développement local ou aux populations affectées par le projet minier. Toutefois, le Mali exige que l’opérateur minier fournisse à l’Administration des mines, un plan de développement communautaire qui doit être actualisé tous les 2 ans. Le Code ne précise pas le montant alloué au financement de ce plan.
Le Code minier burkinabè a créé le Fonds minier de développement local, alimenté d’une part par 1% du chiffre d’affaires mensuel hors taxe des sociétés en exploitation et 20% des royalties collectées par l’Etat. Les entreprises minières ont commencé à alimenter ce fonds en fin décembre 2018, mais des arriérés de paiement sont constatés.
Au Sénégal, le titulaire du permis d’exploitation a l’obligation d’élaborer un plan de développement local avec une prise en compte du genre. Il alimente le fonds avec 0.5% de son chiffre d’affaires hors taxe annuel.
Encadré
Les clauses de stabilisation, un obstacle à la loi.
L’inscription du financement du développement local dans les Codes miniers des pays s’est faite récemment. Des entreprises minières, qui ont obtenu leurs contrats miniers avant l’adoption des textes qui créent ces fonds, évoquent le caractère non rétroactif de ces Codes et la stabilisation fiscale, pour ne pas alimenter ce fonds. Suite aux discussions menées entre l’Etat et les entreprises en Guinée et au Burkina Faso, les entreprises minières qui estiment être en dehors de cette loi, ont exigé de signer des avenants à leurs contrats avant l’alimentation du fonds. Dans ces deux pays, les entreprises ont souhaité garder une partie des sommes dues pour continuer à investir dans les actions de Responsabilité sociale d’entreprise au profit des communautés. Au Burkina, cette option a été catégoriquement rejetée par les organisations de la société civile qui estiment qu’il n’appartient pas aux entreprises de faire du développement. Une revendication légitime, puisqu’en Guinée, un rapport de l’ONG « Publiez ce que Vous payez Guinée » affirme : « Les opérateurs miniers se substituent trop souvent aux collectivités pour les actions de développement local. Souvent, elles ne tiennent pas compte des priorités définies dans les plans de développement locaux des collectivités ». La création et l’alimentation des fonds de développement local visent à harmoniser les interventions au profit des communautés.
Lougri Dimtalba